Le Darién, connu sous le nom de « bouchon du Darién » ou « région du Darién », est une zone marécageuse et de forêts tropicales humides se trouvant à cheval entre le nord de la Colombie et le sud du Panama. Cette zone constitue une frontière naturelle entre les deux pays latinoaméricains. Cependant, il s’agit aussi d’un territoire inhospitalier où les problématiques migratoires et politiques persistent. Dans cet article, on vous dit tout sur le bouchon du Darién.
Sommaire :
- Le bouchon du Darién, un peu d’histoire…
- Une région, deux parcs nationaux
- Le bouchon du Darién, une zone aux enjeux politiques et de migration dangereuse
Le bouchon du Darién, un peu d’histoire…
Le Darién se situe à la frontière entre le Panama et la Colombie. Il s’agit d’une zone de forêts tropicales denses et de marais s’étendant sur 160 km de long ainsi que 50 km de large.
En Colombie, la zone se trouve dans le département du Chocó et est dominée par un marais plat. Au Panama, la zone recouvre une grande partie de la province de Darién ainsi qu’une partie des comarques de Kuna Yala et d’Emberá-Wounaan. C’est du côté panaméen que se trouve la forêt tropicale humide et montagneuse.
« La coupure entre les deux Amériques »
C’est de 1876 à 1878 que le Darién a été exploré, par Lucien Napoléon Bonaparte-Wyse ainsi que Armand Reclus. Leur objectif était d’établir le meilleur tracé possible pour leur futur canal transocéanique. Cependant, étant donné la hauteur des cols, il leur a été impossible d’aller jusqu’au bout de leur mission. Ce passage par le Darién a alors été abandonné, au profit du Panama, avec le fameux Canal de Panama.
Aujourd’hui encore, aucune infrastructure ne s’y trouve, pas même une route. En effet, les prix des constructions dans cette zone sont très élevés et elles auraient également un fort impact écologique. Plusieurs projets d’infrastructures comme des canaux maritimes, des voies ferrées ou encore des routes ont été abandonnés. De plus, des peuples indigènes vivent encore dans cette zone, ce qui en fait l’une des causes de la non-construction d’infrastructures. Parmi ces peuples, on retrouve les Emberá, les Wounaan ainsi que les Kuna. Enfin, il est inévitable de citer la présence des narcotrafiquants dans le secteur, ce qui rend aucun consensus politique possible quant à la construction d’une route.
De ce fait, le bouchon du Darién sépare littéralement l’Amérique centrale (et donc l’Amérique du Nord) de l’Amérique du Sud. Il constitue alors l’unique portion manquant à la route Panaméricaine, qui relie tout le continent américain. Bien qu’aucune route n’ait été construite ici, la région a été franchie à de multiples reprises à pied.
Une région, deux parcs nationaux
Le Darién est une région abritant une exceptionnelle variété d’écosystèmes. La faune et la flore qui s’y trouvent est particulièrement sauvage et riche. On y trouve notamment des espèces menacées d’extinction. D’ailleurs, il existe deux parcs nationaux dans le bouchon du Darién, l’un se situant en Colombie, et l’autre au Panama. Ils sont contigus et représentent deux zones très importantes : « ces deux zones protègent un échantillon représentatif de l’une des aires de forêts marécageuses de plaine et de forêts tropicales de montagne les plus riches en espèces du monde, avec un endémisme exceptionnel. » (UNESCO, site internet).
Côté Colombie : Le parc national de Los Katíos
Le parc national de Los Katíos, du côté colombien, faisait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1994. C’est en 2015 qu’il a été retiré du patrimoine, en péril. Ce parc comprend des forêts, des collines basses ainsi que des plaines humides. Il présente une grande richesse biologique. Cependant, la gestion du parc doit être renforcée dans l’objectif de faire face aux menaces actuelles comme la déforestation, la chasse, la pêche illégale, les projets d’infrastructures ainsi que les établissements humains.
Côté Panama : Le parc national de Darién
Ce parc naturel national est inscrit depuis 1981 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et reconnu depuis 1983 en tant que réserve de biosphère de l’UNESCO. Le parc national de Darién possède également plusieurs variétés d’habitats : côte rocheuses, marécages, forêts tropicales, plages de sable et mangroves. De plus, deux tribus indiennes vivent toujours dans le parc.
Le saviez-vous ?
Le parc national de Darién est le parc national du Panama ayant la plus grande superficie !
Le bouchon du Darién, une zone aux enjeux politiques et de migration dangereuse
La forêt tropicale humide que représente le bouchon du Darién fait l’objet de problématiques importantes. Cela s’explique précisément par les dangers présents dans la forêt tropicale ainsi que la présence des groupes armés. Chaque année, de nombreux migrants tentent de traverser cette frontière, et ce n’est pas sans conséquences.
Une politique complexe
La région du Darién est une zone reconnue comme étant dangereuse. À l’époque, cette zone était le lieu où Pablo Escobar a commencé ses « négoces » de trafiquant. Les membres des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie) d’extrême gauche étaient alors présents.
Aujourd’hui, la zone abrite des guérillas ainsi que des organisations criminelles, dans le cadre du conflit armé colombien qui dure depuis les années 1960. On retrouve trois groupes rebelles : les FARC d’extrême gauche (qui ont signé un accord de paix avec le gouvernement colombien en 2016), les Autodéfenses unies de Colombie d’extrême droite, ainsi que l’Armée de libération nationale. Une partie des guérilleros se sont reconvertis en trafiquants de drogues, d’armes ou encore d’êtres humains.
Les narcotrafiquants sont également présents, notamment avec les Urabeños, autrement appelé Clan del Golfo, un cartel de trafic de drogue puissant dirigé en grande partie par des groupes paramilitaires. Il s’agit d’un des plus grands groupes criminels de Colombie.
L’une des routes migratoires les plus dangereuses au monde
Chaque année, le bouchon du Darién est franchi par des milliers de migrants souhaitant se rendre aux États-Unis ou au Canada. La plupart d’entre eux arrivent du côté colombien en provenance d’un autre pays d’Amérique latine, comme le Venezuela. Beaucoup de migrants viennent aussi d’Afrique et des Caraïbes. Le but de cette migration est de fuir leurs conditions de vie et la violence existante dans leur pays. Mais en réalité, il s’agit d’une migration extrêmement dangereuse.
Les dangers de la forêt tropicale
Étant donné qu’aucune route n’a été créé, la traversé de la frontière se fait à pied ou en canoë, dans une jungle hostile. Et les dangers présents dans cette jungle se font nombreux : maladies tropicales, serpents venimeux, araignées, terrains accidentés ou encore chutes de pluie importantes… Les voyageurs font face à des conditions extrêmement difficiles. D’ailleurs, on retrouve dans cette région l’un des serpents les plus venimeux : la vipère fer-de-lance, qui peut tuer en 10 minutes si un anti-venin n’est pas injecté.
En plus de cela, les migrants se retrouvent aussi confrontés à de terribles circonstances : les dépouilles de ceux qui les ont précédés. Cela leur rappel à quel point ils sont confrontés à des dangers mortels. Il arrive également que les guides abandonnent les migrants, qui finissent par mourir ensuite dû aux conditions extrêmes auxquelles ils font face.
La présence des groupes armés
Mais ce n’est pas tout. En effet, afin de pouvoir franchir la zone, il faut avoir une autorisation en raison de la présence des groupes paramilitaires rebelles. Pendant leur trajet, les migrants sont confrontés à une insécurité permanente.
Premièrement, de nombreux migrants ont rapporté avoir subi des agressions sexuelles ou encore des viols. Selon la Croix-Rouge panaméenne, entre 10 et 15% des migrants qui traversent le bouchon du Darién sont victimes de violences sexuelles au cours de leur périple (source).
Ensuite, les vols de biens et de nourriture sont également très fréquents lors de la traversée de la frontière, ce qui accentue les difficultés à survivre pour les migrants.
En plus de cela, les migrants sont aussi confrontés à des enlèvements ou encore des meurtres. Il faut savoir que le trafic d’êtres humains est une réalité dans cette zone, et les personnes impliquées dans ce trafic sont nommées « Chilingueros ». Certains supposés guides, censés aider les migrants dans leur traversée, les laissent bloqués à certains endroits ou leurs donnent de fausses instructions. Cela fait partie du processus de trafic d’êtres humains.
Que ce soit physiquement ou psychologiquement, la traversée du bouchon du Darién est une très rude épreuve qui n’est pas sans conséquences.
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